2-3 Avidyāsmitārāgadvesābhiniveśāh kleśāh

Selon les Yoga Sutra (Livre II) de Patañjali, il y a cinq kleśāh, définis comme les 5 souffrances qui viennent de soi. Il y a aussi celles qui viennent des autres, et des désastres naturels mais elles ne sont pas traitées dans cet aphorisme. Le yoga est avant tout un travail sur soi. Ces souffrances qui viennent de soi-même, peuvent être représentées comme des petits génies espiègles, qui sont capables de nous inhiber dans notre action, ou bien de nous détourner dans notre quête d’évolution spirituelle. Les 5 souffrances que nous allons aborder se nomment : Avidyā, Asmitā, Ragā, Dvesa et Abhiniveśāh.

Avidyā la première, la plus subtile, représente la méconnaissance. C’est l’incapacité de voir les choses pour ce qu’elles sont. On croit que l’on sait, alors que l’on est dans l’erreur.  C’est le degré de lucidité que nous avons sur nous-même. Par exemple, si quelqu’un juge une autre personne, il n’a qu’une seule partie des informations, une seule facette de cette personne, il ne connaît pas tout, il n’est pas dans sa tête, dans tous ce qu’elle a vécu jusqu’à présent ce qui fait ce qu’elle est, aujourd’hui. Et si il se met à la juger, il est dans l’ignorance, dans l’erreur car il pense tout savoir d’elle alors qu’il n’en est rien.

Vient ensuite Asmitā. C’est la tendance à surmonter notre ego. Ici, le « Je » devient trop important, il s’impose aux autres, il devient donc une entrave sur notre chemin car on s’isole du reste du monde et on ne peut plus avancer. A l’origine, le « Je » nous indique et nous rappelle que nous sommes relié en permanence à la totalité, à ce qui nous entoure. Nous ne nous sommes pas fait tout seul et nous sommes indéniablement relié aux autres. C’est le cas par exemple de quelqu’un qui s’attribue seul les mérites d’un travail collectif.

La troisième souffrance nommée Ragā correspond à la passion, la flamme du désir qui cause la dépendance au plaisir. C’est l’attachement. Nous sommes attachés à quelque chose, à quelqu’un, qui nous empêche de quitter notre zone de confort pour explorer un territoire plus inconnu qui va nous faire évoluer. La dépendance en excès à la nourriture, c’est un exemple d’attachement. Elle peut entraîner prise de poids et occasionner des problèmes de santé. Egalement, si une personne est excessivement attachée à quelqu’un, elle sera poussée à faire le maximum pour lui afin qu’il reste au plus près d’elle. Et dans ce cas, cette personne n’est plus sur son chemin, elle stagne car elle dirige toute son énergie vers autre chose.

Quand à Dvesa, elle représente la répulsion, la réaction de défense excessive. A l’état normale, cette attitude d’opposition nous protège, elle nous sauve. Cependant en excès, elle est nocive pour nous et se transforme en agression. Si on reprend l’exemple sur la nourriture, à contrario, si une personne est en rejet excessif de celle-ci, elle bascule dans l’anorexie. On le retrouve aussi chez certaines personnes qui sont sans cesse en opposition et qui agressent autrui, sans s’en rendre compte.

Enfin, Abhiniveśāh c’est la peur, la peur de perdre la vie qui entraine toutes les autres peurs afin de nous protéger en cas de réels dangers. En excès, les peurs interviennent lors de situations identifiées ou bien inopinément, et si nous les laissons nous envahir, avec le temps, elles occuperont toute la place dans notre vie pour enfin compléter la diriger. Les peurs nous conduisent vers différentes actions possibles. Elles peuvent nous pousser à prendre la fuite régulièrement, c’est le cas de certaines personnes qui ne parviennent pas à maintenir une relation amoureuse stable dans le temps, et qui rompt volontairement à un moment donné. Elles peuvent aussi nous figer dans nos actions, par exemple nous empêcher de pousser la porte d’un centre de yoga pour faire son premier cours !! (Sait-on jamais !!). Enfin, elles peuvent aussi nous pousser à faire semblant. Si une personne affiche clairement que tout va bien dans son travail, mais elle sait qu’au fond d’elle-même, elle n’est pas heureuse. Elle pourrait en parler à son mari, revoir ce qui ne va pas, et peut-être quitter ou changer de lieu de travail. Cependant, la peur de perdre reste plus forte et elle préfère feindre mais jusqu’à quand…

Toutes ces souffrances existent, cependant elles deviennent un barrage sur notre chemin lorsqu’elles se manifestent de manière excessives sur un objet ou une personne, en lieu et moment inappropriés.

Pour sortir de cela, il est bon de travailler sur l’élément le plus grossier : la peur. Il est nécessaire de l’identifier et de la vaincre en s’appuyant notamment sur la Confiance-Śraddhā (cf. article bulletin mensuel mai-juin 2017).
Ainsi, ceci permettra de tempérer son opposition et de sortir de l’agression.
Par la suite, en gagnant chaque jour un peu plus confiance, on commence à lâcher-prise, et à être dans le détachement de ce qui nous entoure. On se sent plus libre et léger.
Par conséquent, notre identification au « Je » sera plus juste et directement reliée aux autres. Les abus possibles envers ces derniers disparaîtront.
Enfin, cela affinera notre discernement sur nous-même, et nous permettra de prendre davantage de recul sur ce que nous pensons connaître ou pas. Nous adopterons plus aisément une attitude d’humilité face à une situation appropriée.

Nous vous souhaitons à Toutes et à Tous, l’Equipe Shanti, Karine et Amir, une période estivale expérientielle, lumineuse et festive.